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28 mars 2014 5 28 /03 /mars /2014 01:00

 

Eveque Jean et saint Jean de san Francisco 

La mi-temps

Saint Jean de Saint Denis
(1954)

L'évangile que l'Église nous propose, au centre de notre lutte carémique, fait réplique à celui du premier dimanche de Carême : la tentation du Christ par Satan dans le désert. Satan suggère alors à Jésus: Tu vois cette foule affamée, donne-lui donc à manger, change ces pierres en pain ! Jésus repousse la demande de Satan. Et voici qu'aujourd’hui Il nourrit la multitude, Il fait mieux que Satan : Il multiplie les pains. Pourquoi ce changement d'attitude ? Donnerait-Il raison à son adversaire, ou bien veut-Il montrer qu'Il est le Maître, qu'Il n'a pas d'ordre à recevoir, qu'Il agit quand Il lui plaît, lorsqu'Il l’a décidé?

Certainement, ceci est un premier et précieux enseignement. Oui, le Christ écarte tout ordre de Satan. Il agit quand Il le veut, quand c'est la volonté de son Père. Ce n'est pas seulement l'acte en lui-même qui compte, c'est d'où il vient. Qu'une action soit bonne ou mauvaise, qu'un miracle soit vrai ou faux, peu importe, il importe beaucoup plus de savoir d'où ces choses proviennent. Un «vrai» miracle, s'il est inspiré par le démon, sera un faux miracle. Une bonne action, inspirée par le diable, sera une action mauvaise. Nous savons qu'à la fin des temps il y aura une grande charité faite par de faux prophètes qui abuseront le monde au nom de celui qui désobéit par orgueil. Nous ne devons pas juger les actes suivant l'apparence, mais, écartant cette apparence, discerner d'où vient le miracle, d'où vient l'ordre.

Dans le désert, le Christ refuse de faire le miracle, refuse de nourrir la foule et, maintenant, spontanément, Il accepte de la nourrir. Quelle est, en effet, la cause ? Il le fait pour exalter l'homme. L'idée de Satan était que l'homme, étant de chair, avait besoin de nourriture matérielle, de pain. Jaloux de notre chair, Satan est jaloux de notre souffrance. Voilà ce qu'est le démon : jaloux de ne pouvoir souffrir comme nous. Cela nous paraît bien étrange. En général, dans la vie quotidienne, les gens sont jaloux du bonheur ; lui, le diable, est jaloux de notre douleur d'homme. Et, tout en amenant le Christ à la mort, on le voit soudain avoir peur à la dernière minute de la mort ; il envoie le rêve à la femme de Pilate : «Qu'il n'y ait rien entre toi et ce juste», essayant ainsi d'arrêter la Passion (Mt 27, 19). Car notre douleur d'homme a un double sens : négatif puisqu'elle est la mort, à la suite du péché ; positif parce que l'âme qui ne souffre pas, ne sent pas, ne crée pas, ne vit pas, ne réalise rien, elle est stérile.

La pensée de Satan est d'arracher de la bouche du Christ un mépris de l'homme : l'homme a besoin de pain, de choses matérielles, de ce petit bonheur quotidien, ensuite, dit-il, on peut ajouter le reste. C'est cette suggestion que le Christ repousse avec violence. Non, l'homme n'est pas seulement nourri de pain, mais de la Parole qui vient du ciel !

Jésus, ami de l'homme, lui fait confiance, et prouve à l'univers que l'homme est digne d'être sauvé. Certainement, on voit un grand nombre de gens se précipiter sur le Christ pour être guéris de leurs infirmités, soulagés de leurs maux, mais Lui, Il monte sur la montagne avec ses disciples, sans appeler personne à Le suivre ; et cependant le Verbe attire tellement les foules qu'elles se jettent sur Lui, oubliant même d'emporter quelque nourriture. Nous, lorsque nous partons en pèlerinage, nous nous chargeons de sandwichs, d'argent, tandis qu'eux oublient tout ! Seul, un jeune garçon a par hasard cinq petits pains et deux poissons.

Ah ! quel témoignage de la valeur de l'homme manifeste le Christ, notre Ami, le Fils de Dieu, devant le ciel et devant la terre, devant les anges et devant les démons ! La foule ordinaire, la voici qui, oubliant l'essentiel de la vie : ce qu'on mange, la voici digne des moines et des ascètes, la voici écoutant le Verbe des heures et des heures, sans se soucier de rien, uniquement tendue vers la Parole.

Oui, Dieu peut dire : crois en Moi, car J'ai confiance en toi, espère en Moi, car J'ai mis mon espérance en toi, aime-Moi, car Je t'aime jusqu'à la mort.

Quand Jésus voit ce désintéressement de toute chose matérielle de la part de la foule qui le suit, Il opère alors le miracle, Il multiplie les pains et après que tous ont mangé, il en reste encore douze corbeilles.

Si l'on considère de près les matérialistes d'aujourd'hui, la très grande majorité affirment que la conscience de l'homme dépend de l'existence ; qu'il est nécessaire d'assurer d'abord la vie économique avant de finir par le spirituel. Consciemment ou inconsciemment, une grande partie de l'humanité fait dépendre sa vie, non des paroles du ciel, mais des conditions extérieures de l'existence, santé, situation, états d’âme, etc. Aussi ne verra-t-on pas au XXe siècle de multiplication des pains, car nous ne savons pas, comme cette foule confiante qui suivit le Christ, oublier toute condition extérieure et tous, nous trichons plus ou moins, sur un plan ou sur un autre.

Nous devons réviser notre attitude, la foule de l'Evangile nous montre que c'est possible, que cela peut être facile, spontané, naturel. Préoccupons-nous du Pain céleste, le terrestre suivra. Un complet renversement des valeurs, non à moitié, mais radical, entier, s'impose pour susciter à nouveau la multiplication des pains.

Le récit évangélique ajoute que la foule, constatant ce miracle si commode, si utile (quoi de plus magnifique que de nourrir les affamés ?) veut s'emparer de Jésus pour le faire Roi et Jésus est contraint de se cacher.

C'est la troisième leçon : dès qu'on s'aperçoit que, du Christ et de l'Eglise, se dégage l'utilité, on se dépêche de prôner cette formule, l'Eglise devient un genre de police des mœurs, une œuvre philanthropique. On soutient l'Eglise en tant qu'elle-même est soutien de l'ordre. Certains éloges sont pires que des injures ! L'Eglise, porteuse de la grâce du Saint-Esprit, n'est pas utilitaire.

L'évangile nous prépare à la Semaine Sainte où Satan, humiliant l'homme, comptera sur sa faiblesse. Certes, il ne se trompait pas entièrement : les disciples abandonnent le Christ, Pierre le renie, Hérode, les pharisiens, les princes et même la foule inconstante qui criait : «Hosanna !» le jour de l'entrée à Jérusalem, vont Le crucifier; le démon accomplit son œuvre. Mais l’Homme-Dieu sort victorieux du tombeau, non comme Dieu - car qu'est-ce pour Dieu que Satan ? Rien ! - mais comme Homme, qui, comme Homme-Dieu est vainqueur par la Croix et par son Amour extrême. Amen !

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Published by Monastère Orthodoxe de l'Annonciation - dans Homélies

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